Stoa a été créé en fin 2017, c’est le fruit du rapprochement de la Caisse des Dépôts et de l’Agence Française de Développement. C’est un nouvel instrument dont s’est doté la France pour intervenir en fonds propres et non pas en dons ou en prêts comme l’AFD. Ce fonds d’investissement est dédié à l’investissement dans les infrastructures pour les pays en développement.
« Il n’y a pas beaucoup d’instruments de ce type dans la coopération française » explique Charles-Henri Malecot le DG de STOA, « dans le paysage on a Proparco qui fait ce type d’investissement sur des petits tickets 2 à 15 millions d’euros alors que de notre côté nous investissons de 10 à 50 millions d’euros dans des projets plus importants. »
Pour bien comprendre les choses un investissement de 10 millions d’euros en capital en statut minoritaire dans un projet signifie que le projet a un périmètre d’au moins 100 millions d’euros, on est donc dans des périmètres d’investissements structurants dans les pays qui sont visés par le fonds. « Un projet de ce type se finance à 20% en équité et 80% en dette, l’effet de levier de notre investissement est donc très important, ce qui nous permet de financer de gros projets, les plus petits étant gérés prioritairement par Proparco. »
Le fonds a été doté d’un capital de 600 millions d’euros. « La priorité qui nous a été fixée est d’investir prioritairement sur l’Afrique ; on investira donc au minimum 300 millions d’euros sur le continent africain et sans doute beaucoup plus. Le reste dans les pays en développement d’Asie et d’Amérique Latine. Le 2ème objectif qui nous à été fixé est d’investir au minimum à 30% dans des projets à cobénéfice climat , c’est à dire dans des projets qui n’émettent pas de gaz a effet de serre ou qui les réduisent comme des projets éoliens, solaires ou des centrales hydrauliques.
« On est clairement un outil de la coopération française au même titre que les prêts de l’AFD, ou du Trésor, de Proparco… l’outil qui manquait pour investir de façon durable dans les pays en développement. »
Le 1er projet que STOA a financé n’a pas été en Afrique, mais en Inde, en joint-venture 50/50 avec Engie sur un parc éolien de 280 Mégas Watt qui sont déjà en construction et la JV vient de gagner un projet de 400 Mégawatts.
« Le 2ème projet où nous avons investi est au Cameroun pour la construction et l’exploitation du barrage de Nachtigal pour lequel nous avons reçu le prix du meilleur projet PPP de l’année et qui illustre bien notre action. Ce projet était porté par EDF et IFC depuis plus de 10 ans ; notre entrée dans le projet au côté d’EDF à 40% a permis de déboucler la situation au côté de la banque mondiale qui ne pouvait pas porter plus de 20% du projet C’est un projet majeur, car il va permettre de fournir 30% de l’électricité du pays »
Le 3ème projet se situe dans le secteur télécom en Afrique du Sud dans le domaine de la Fibre optique. « Nous avons pris 23% du capital d’un opérateur Sud Africain pour lui permettre de déployer le Haut Débit dans le pays. » Ce dernier investissement devrait être particulièrement rentable dans un pays qui a des gros besoins sur le sujet et qui illustre bien le fait que STOA est bien un fonds d’investissement qui a pour objectif de gagner de l’argent et non pas un outil de dons ou de prêts à risque.
« On intervient dans des conditions de marchés avec des objectifs de TRI supérieur a 10%, avec une vraie analyse du risque et de la rentabilité et dans 4 ans, quand je devrai rendre compte à mes investisseurs, je serai jugé sur ce point de rentabilité et de bonne gestion. On est un opérateur de marché avec des actionnaires publics.»
STOA vient également d’entrer dans le capital d’ETIX, société européenne qui veut déployer des data-center en Afrique, et est en négociation exclusive pour un projet dans l’énergie au Brésil ainsi que pour un projet dans les transports au Gabon.
« Tout le monde est surpris de la rapidité avec laquelle nous nous déployons, ce qui démontre bien que nous répondons à un besoin et il faut dire que j’ai réussi à réunir une équipe très performante et très motivée, qui en dehors de sa grande compétence travaille d’arrache-pied pour sortir des deals dans les meilleures conditions. »
« Nous avons une vision très proactive de nos participations. Même lorsqu’on ne prend que 10% du capital, on négocie nos droits et on demande systématiquement un poste d’administrateur avec éventuellement un droit de véto. »
Dans l’ADN de STOA on retrouve la notion d’impact sur le développement des pays dans lesquels le fonds investit. « Si on ne peut pas influer sur la gouvernance on ne peut pas être certain de maîtriser l’impact qui est une partie significative dans notre décision d’investissement, avec la rentabilité bien-sûr. »
Charles-Henri Malecot reste prudent
« Si on prend l’AFD, l’agence se doit de réaliser des financements déliés, avec de vrais appels d’offres ; c’est indispensable et obligatoire en Europe si on veut que les interventions soient comptabilisées dans l’Aide au Pays en développement. Cela permet aussi aux entreprises françaises de pouvoir répondre à des projets financés par d’autres pays européens. Je pense que globalement tout le monde est gagnant, d’ailleurs 80%des financement de l’AFD bénéficient directement ou indirectement à des entreprises françaises. »
« De notre côté, nous avons été créés pour accompagner les grands projets des entreprises françaises à l’international, notre tropisme français est très clair. Par exemple avec le Président Macron nous sommes allés présenter un projet de liaison ville aéroport à Nairobi avec Alsthom, Transdev, Vinci … On répond à l’appel d’offres du métro de Bogota avec Transdev … »
« Nous sommes un investisseur de long terme, on est à même de rester le temps d’une concession c’est-a-dire sur des durées de 15,20,25 ans, mais avec des clauses de sortie qui sont souvent liées à l’opérateur. Ce qui nous différencie d’un fonds totalement privé c’est justement cette vision long terme et être capable d’accompagner aussi la vision de la France dans ses politiques globales. »
Il est certain que les français sont attendus en Afrique et on nous reproche d’avoir laissé les dirigeants africains face aux Chinois qui finalement ont comblé le vide que nous avions laissé.
« Dans son discours de Ouagadougou le Président Macron a clairement dit que la France est de retour et il a d’ailleurs cité le Fonds STOA comme l’un des instruments financiers de cette reconquête. »
Sur sa politique africaine Charles-Henri Malecot avoue regarder très attentivement les projets solvables qui selon lui « ne sont pas si nombreux que cela » notamment en Afrique francophone. « Il est clair que dans les pays anglo-saxons il y a une pratique du PPP plus ancienne et plus établie. Les projets que l’on nous présente sont souvent plus mûrs dans des pays extrêmement dynamiques : Ethiopie, Kenya, Nigéria sont des pays qui sont des locomotives en Afrique et nous avons aussi le
souci d’équilibrer notre politique très tournée vers l’Afrique de l’Ouest.
« Notre tâche n’est pas facile, ce sont souvent des pays compliqués et nous avons mis en place une politique de compliance très poussée pour être irréprochable dans nos investissements. D’autant que nous intervenons au sein d’opérateurs privés, certes souvent avec des entreprises françaises, mais nous devons avoir une parfaite visibilité sur la gourvenance de nos investissements et sur nos co-actionnaires. C’est une question de réputation»
STOA va investir beaucoup dans l’énergie, mais regarde également les projets dans le transport qui sont des projets plus longs à sortir et plus complexes, même s’il sont très structurant, pour les pays.
Charles-Henri Malecot se sent une responsabilité vis-à-vis des entreprises françaises et compte bien tout faire pour favoriser des contrats pour nos entreprises ; c’est aussi pour cela qu’il veut avoir un rôle actif d’administrateur et d’influence. Les retombées attendues à moyen terme seront sans doute plus larges que le simple investissement capitalistique et sa rentabilité.
La France est de retour … diront certains ;
la vitesse à laquelle STOA déploie ses investissements démontre bien le besoin qu’il y avait sur le sujet. Reste a savoir comment la France voudra pérenniser cet outil et l’inscrire dans le temps, car à cette vitesse, l’ensemble des fonds devraient être investis dans 2 ans.
Marc Hoffmeister